Galerie de portraits I

Voyager c’est partir à la rencontre d’un pays, d’une culture et donc de ses habitants. C’est aussi rencontrer sur son chemin des gens venus d’ailleurs avec qui on échange, on partage un repas, une balade.

J’ai fait de chouettes rencontres pendant mon voyage, de ces rencontres qui mettent le coeur en joie et qui donnent envie qu’un jour nouveau arrive et avec lui d’autres rencontres encore.

Avant même mon départ, il y avait des rencontres importantes comme je le dis dans mon article introductif. Ben m’a très bien accueilli, en venant me chercher à l’aéroport, puis il a loué un vélo pour moi pour mes quelques jours à Tel Aviv. Malheureusement, nous avons eu peu de temps pour discuter car son travail l’occupait beaucoup.

Une rencontre m’a marqué et a été importante durant mon voyage, celle avec Christine. Nous étions dans la même chambre à Jaffa, je l’ai entendu parler français alors j’ai plaisanté “il n’y a que des Français ici!” On a mangé un bout ensemble le soir. On a énormément discuté de notre voyage, de ce pays, du conflit, et de nos vies et envies respectives. Christine est éducatrice (spécialisée) à Marseille auprès de jeunes filles. Elle voyage beaucoup et reprend des études de droit international, pour essayer de faire bouger les choses. Le lendemain de notre rencontre je partais à Jérusalem et nous nous retrouvions sur le toit de la même auberge de la vieille ville. Ensemble, nous sommes allées à Bethléem et à Ramallah, on a partagé notre tristesse et notre indignation, notre espoir aussi, un peu, que les choses changent. Sans Christine, mon voyage n’aurait pas été le même, si elle passe par là je la remercie et lui dis à bientôt!

A Jaffa, j’ai aussi croisé la route d’un couple de Français venus passer l’été à Jérusalem pour monter une pièce de théâtre.

Il y a eu beaucoup de rencontres sur le toit-terrasse du Citadel Youth Hostel de Jerusalem. Il y a eu Charles, juif askhénaze avec lequel nous avons beaucoup parlé aussi, la discussion était différente, plus conflictuelle je dois dire, mais c’était important aussi d’avoir un point de vue divergent pour essayer de comprendre un peu plus la situation. On a eu des discussions enflammées sur d’autres sujets. C’était étrange de pouvoir échanger ainsi avec des inconnus. Je n’oublierai pas notre conversation sur la place où se jouait le concert de reggae.

Dans l’auberge, il y avait Laurent. Un Français de la Réunion, d’origine juive qui s’était tournée vers la foi il y a quelques années et souhaitait faire son alyah, c’est-à-dire s’installer en Israël. Il venait ici pour découvrir le pays, étudier la Torah à la Yeshiva et apprendre l’hébreu. Une autre rencontre totalement éloignée de ma vie qui a bousculé mes convictions, mes idées sur la religion. C’est assez difficile finalement d’entendre des choses différentes, de découvrir un monde inconnu et de ne pas forcément savoir comment réagir. Il était sympa ce garçon, mais je n’accrochai pas avec ses idéaux juifs assez ultra-orthodoxes.

Enfin dans l’auberge il y avait Julien, journaliste et blogueur chinois qui parcourait le monde pour assister à des concerts de musique (et en faire la critique), et un couple anglo-néozélandais installé à Dubaï.

J’ai rencontré des gens venant d’univers tellement différents, ca m’a rappelé un peu de mon année à Boston College.

J’ai aussi rencontré des gens du pays. Dans le souk de la vieille ville, au croisement de Christian quarter road et David street, il y a un vendeur de bijoux et autres souvenirs. Il est très gentil et je lui ai acheté plein de petites choses. Il était journaliste avant, il avait notamment fait la guerre du Liban et d’autres conflits du Moyen Orient dans les années 70-90. Il s’était retiré du métier récemment parce qu’en tant qu’arabe ca devenait de plus en plus difficile. Israël donne de moins en moins de carte de presse. Ce petit monsieur était captivant et tellement gentil avec moi, sans chercher forcément à vendre, je crois que tout comme moi il avait apprécié notre échange. D’autres vendeurs du souk furent bien moins sympathiques.

Il faut absolument que je raconte cette petite anecdote avec un vendeur de tissus muraux, sacs, et autres babioles. J’avais décidé de n’acheter mes souvenirs que le dernier jour pour ne pas m’encombrer avec avant. Néanmoins, je souhaitais prévoir mon budget et donc me renseigner sur les prix du marché. Je demande à ce vendeur le prix d’un tissu (style indien et pas vraiment arabe). Il me dit 200 (shekels), je lui réponds “merci, aurevoir, je repasserai demain.” Erreur! Il a cru que je voulais marchander, il a donc baissé tout seul le prix, de 200 à 130, puis 100, 80, etc jusqu’à 50. Sauf que j’en voulais pas de son truc (enfin pas toute suite). Il s’est énervé du genre “allez 50, prends le, discute pas” avec un ton vraiment agressif. J’ai préféré partir au plus vite… à ce moment-là je commençais à en avoir marre des vendeurs du souk qui t’apostrophe tous les 2 mètres pour que tu visites leur magasin. C’était une atmosphère pesante, moins agréable qu’en Tunisie ou en Afrique où on me traitait de “gazelle.”

Suite demain…


Pensées lors du vol retour

Voici ce que j’ai écrit dans l’avion vers la France le 5 septembre dernier:

“Beaucoup de choses à dire, à écrire, mais je ne suis pas sûre de réussir à le faire. Il y a trop de désordre dans mon esprit, trop de questions en suspens par rapport à ce que j’ai vu. Je ne comprends pas tout.

J’ai vu des choses incroyables, insoutenables, les larmes et la colère m’ont envahie. Mais je veux essayer de comprendre les deux côtés. On me parle d’ “objectivité”, de “balancer” les points de vue. Il y aurait deux réalités. Je n’en ai vu qu’une.

Celle du mur de “sécurité”, légitime si seulement il respectait la ligne verte. La réalité du camp de réfugié de Dheisheh où les familles s’entassent à 5-6 voire plus dans 10m² sans grand espoir de retourner chez eux un jour. La réalité des villages palestiniens où l’aide médicale est insuffisante.

J’ai écouté une chrétienne arabe, Julia Dabdoud de l’Arab Women’s Union à Béthleem, me parler de 1948, de la Naqba, de tout ce qu’elle a perdu – elle avait 20 ans. J’ai vu les musulmans le vendredi attendre au checkpoint pour pouvoir aller prier à Jérusalem.

J’ai vu les soldats, de jeunes israéliens de mon âge, avec leur arme qui ne les quitte jamais. J’ai dîné avec une famille israélienne, deux soeurs d’origine britannique, leur mari et leurs trois enfants chacune. 6 jeunes dont 3 et bientôt 4 en service dans l’armée. J’ai senti la peur des mères de voir leus enfants partirent à la guerre. L’ainé de Naomi, mon amie médecin, a fait le Liban en 2006. Un de ses amis s’était jeté sur une grenade lancée par l’ennemi pour sauver son unité.

Comme tout le monde, je me suis faite contrôler à l’entrée des gares et des centres commerciaux. J’ai compris la peur viscélare qui habite les Israéliens, la peur de l’attentat, la peur de la mort – la peur inhérente au peuple juif. Malgré cela, je ne comprends toujours pas qu’on puisse traiter ainsi le peuple palestinien.”

Ce voyage a changé beaucoup de choses pour moi. Avec le recul, je dois dire que je ne vois plus les choses tout à fait de la même façon même si mes convictions profondes restent les mêmes. Il est important de garder à l’esprit que tout n’est pas noir d’un côté, blanc de l’autre.


Récit de mon voyage en Israël et en Cisjordanie

Le 24 août dernier, je me suis envolée à 8h pour Tel Aviv. Au moment de partir, l’excitation des semaines passées avait laissée place à l’angoisse, laquelle ne fut que temporaire.

Ce voyage, je rêvais de le faire depuis longtemps que je souhaitais partir au Moyen Orient. Je m’intéresse de près à la situation de la région et particulièrement au conflit israélo-palestinien. C’est là-bas que je me vois travailler en tant que journaliste. Je me disais que j’irai un jour, quand j’en aurai l’occasion. Et puis un jour on se rend compte qu’il n’y pas d’occasion à attendre pour faire les choses, il faut créer l’occasion. Il faut cesser de rêver, d’idéaliser sa vie, pour réaliser vraiment ses rêves.

Il faut dire que des rencontres ont crée cette occasion de partir. Il y a d’abord eu la rencontre avec Ben, CEO de Plymedia, entreprise de la Silicon Valley, et surtout israélien trentenaire au look “sportif cool bio”, dans un avion entre Boston et San Francisco. Nous avons bien parlé pendant la moitié du vol, puis nous sommes restés en contact par email. Il me disait “contacte moi si tu veux venir en Israël”, je répondais “pas cette année – 2008 – mais peut être l’an prochain.”

Et puis en avril je me suis dit “et pourquoi pas cet été finalement?”

C’était l’époque de la BC Palestine Awareness Series, une série de conférence sur la Palestine organisée à Boston College. J’y ai rencontré Alexandra, étudiante d’origine palestinienne qui m’a convaincu d’y aller. Il y a eu la conférence de Ghada Karmi, celle de Norman Finkelstein. Il y a eu cette photographe israélienne qui travaillait avec cette réalisatrice palestinienne. Il y a eu cette envie grandissante, ce désir fort, de partir pour voir, pour parler avec les gens, pour tenter de comprendre autrement qu’à travers les yeux des médias ce qu’il se passe là-bas.

Au retour, il y a le devoir de raconter ce que j’ai vu et entendu là-bas. Ce que j’ai ressenti dans mes déambulations de Tel Aviv à Jérusalem en passant par la Cisjordanie et la Mer Morte.

Après avoir acheté mes billets, j’ai commence à m’organiser, à préparer un itinéraire, à rechercher des contacts, à discuter avec Anas, Alexandra, Jehad, Naomi, et les autres, pour tirer le meilleur parti de ce voyage.

Il m’aura fallu du temps pour me décider à enfin écrire (2 semaines ont passé depuis mon retour), j’ai relu mes notes, refait le parcours et les conversations dans ma tête. Je vais maintenant partager mes impressions, mes rencontres, mon indignation, mon espoir peut-être.